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Saturn Return

Une dure réalité

/!\ Gros disclaimer: Si vous vous sentez mal, parlez-en autour de vous, il n’y a aucune honte à ça et ce n’est pas pour vous infantiliser ou vous faire souffrir davantage. De plus des numéros existent et sont souvent gratuits, ceux-ci vous permettront d’être pris en charge et de vous aider comme le 31 14. /!\

 

Saturn Return est un Seinen de Akane Torikai, publié au Japon depuis 2019 et toujours en cours avec 6 tomes. En France, le second volume nous arrive en Mars 2022 aux éditions Akata.

 

 

Ritsuko Kaji est une romancière qui ne parvient plus à écrire depuis quelque temps. Alors qu’elle rêve d’un ancien ami, elle se réveille et apprend son suicide. Rattrapée par les souvenirs douloureux de son ami et son propre passé alors qu’elle ne se sent pas à sa place dans son rôle de femme au foyer, elle décide de revenir à Osaka avec son nouvel éditeur Koida afin de découvrir la vérité sur ce suicide. Malheureusement ce voyage va douloureusement faire remonter des souvenirs enfouis de force.

 

Akane Torikai n’est pas à son coup d’essai chez nous. On la connaît notamment pour En Proie au Silence, le Siège des Exilées et You’ve Gotta Love Song. On a d’ailleurs déjà fait une critique sur En Proie au Silence qui était un titre tout aussi difficile à lire que Saturn Return et qui traitait de sujets vraiment graves et modernes.

Vous l’aurez compris après toutes ces mises en gardes, Saturn Return n’est pas une œuvre à mettre entre toutes les mains. Si vous souffrez de dépression, que vous ressentez des envies suicidaires ou que vous avez moins de 15 ans, passez votre chemin ou lisez-le en étant entouré de personnes avec qui vous pourrez en parler, évacuer, et qui pourront vous aider.

C’est un titre qui nous propose un point de vue sur la dépression, le suicide, avec en plus d’autres personnages qui aggravent le cas de ceux qui souffrent déjà. Dans le premier volume tout est encore flou pour nous. Il sert principalement de grande introduction pour mettre en place les pensées du personnage principal, le scénario initial et le rebondissement qui va nous emporter dans le vif du sujet.

Ainsi, à la sortie de notre lecture du premier volume, énormément de mystères planent sur le passé de Nakajima, mais aussi et surtout celui de Kaji qui est un personnage qu’on apprend à connaître déjà pas mal dans ce début d’histoire mais qui ne nous dit pas tout. On sait que des secrets et des souvenirs douloureux sont enfouis, et on se doute que ce voyage à Osaka va raviver énormément de souffrances. Si de nombreux indices nous sont disséminés au fil du tome, tout est encore trop flou pour comprendre l’ampleur des souffrances qu’a subi Kaji. Quant à Nakajima, étant donné qu’on ne suit pas son point de vue, il est difficile de comprendre pour le moment ce qui lui est réellement arrivé dans la vie et pourquoi il a fait cela, d’autant qu’il semblait avoir une personnalité bien particulière et compliquée à suivre.

L’auteure nous tient donc en haleine grâce à des mystères et des questions pour le moment sans réponses. Elle tisse lentement les toiles de son histoire et ne nous révèle que des parcelles de souvenirs, quand elle juge bon de nous les montrer. C’est à la fois effrayant et captivant la manière dont elle parvient à nous happer dans ce récit horrible, dépressif, difficile à supporter. On souffre avec les personnages et pourtant, on veut voir ce qu’il va se passer ensuite, et on veut comprendre comment tout a fini comme ça, ainsi que comment l’histoire va se terminer. Bien évidemment on souhaiterait tous un happy end car on s’accroche à ses personnages qui souffrent, mais on est tellement replongé sans cesse dans la souffrance et le tragique que la fin en devient imprévisible. Ce qui est sûr c’est qu’on ressort de notre lecture angoissé, presque choqué par ce qu’on a lu, au point qu’on ne parvient même pas à faire ressortir les émotions qu’on a ressenti, on en reste coi.

En plus de tout le mystère qui entoure le titre, j’ai l’impression que Saturn Return ne dénonce pas seulement le suicide et la dépression que subissent des personnages dans un monde moderne, mais qu’il est également le cheminement d’un deuil. Kaji part en voyage après le décès de cet ami cher pour chercher la vérité, mais pourquoi a-t-elle besoin de le savoir alors qu’elle semblait si las de tout et se laisser aller à sa vie de femme au foyer? Je pense qu’au fond d’elle elle espère trouver des réponses à des souffrances passées et soit découvrir un moyen de surmonter ses souffrances et d’aller de l’avant, soit avoir une bonne raison de mettre fin à tout ça à son tour.

Mais ce voyage ne va pas être de tout repos, on s’en doute bien et il va falloir s’accrocher pour lire la suite. C’est le genre d’histoire où, si vous êtes directement concerné par les souffrances du personnage, vous aurez du mal à aller jusqu’au bout, non pas parce que l’œuvre est mauvaise, mais parce que le tout vous fait trop souffrir.

C’est à la fois le défaut et le gros avantage des titres hyper réalistes, et Akane Torikai sait créer du réalisme dans son histoire et dans ses personnages. Cela se voit notamment dans les comportements de ses personnages, et si vous avez vécu des choses similaires, vous ne pouvez que vous sentir impacté et ressentir tout le réalisme et la fatalité qui s’en dégage.

 

Peu importe tout ce que je perds…cette vie est bien réelle.

– Kaji

 

J’ai déjà pas mal parlé des personnages indirectement, et je pense qu’il est important de se laisser aller dans l’inconnu pour pouvoir pleinement les découvrir et être capable de se mettre à leur place. J’aimerais néanmoins illustrer quelques instants le réalisme choquant de Saturn Return en parlant un peu de la relation entre le personnage de Kaji et Kazufumi qui est certes, une relation qui se passe dans le présent, qui a son impact, mais qui ne devrait pas trop vous enlever ce côté découverte que je veux que vous gardiez.

C’est une relation qui aurait pu être belle, mais que je trouve profondément malsaine. Kazufumi a “sauvé” Kaji du suicide et on comprend très vite qu’elle se sent à présent redevable envers lui, qu’elle s’accroche à lui comme s’il était son parachute de secours. Pourtant, on voit bien qu’il ne la rend pas heureuse et je déteste certains de ses comportements comme son envie irrépressible de copuler avec elle et d’avoir un enfant, comme si elle ne pouvait pas être complète et parfaite à ses yeux sans cela. Et malheureusement, cet accroche qu’éprouve également Kaji envers Kazufumi, le voyant comme son sauveur, c’est un comportement fortement réaliste et cela rend le manga encore plus dur à lire.

Je pense que vous comprenez maintenant pourquoi je considère cette relation comme malsaine. Ils se sont trouvés, se sont « sauvés » mais tout n’est pas naturel et vrai entre eux. Leur amour semble construit, inventé, comme une illusion pour dire à l’autre que tout va bien et pour faire croire au Monde qu’ils sont heureux. Personnellement je trouve cette relation effrayante de réalisme et insupportable.

Malheureusement ce n’est pas la seule relation compliquée à suivre mais je vous laisserais découvrir tout le reste par vous-même.

Pour ce qui est des dessins, on reconnaît bien la patte de l’auteure qui a, je trouve, vraiment bien progressé tout au long de sa carrière. Les chara designs sont hyper réalistes et bien différenciables, les expressions des personnages sont dures à voir tant elles sont vraies. Il y a énormément de planches magnifiques à regarder et hyper détaillées. Tout est décoré et tout est bien fait pour vous plonger dans l’ambiance.

J’aime d’ailleurs énormément la couverture qui change totalement des couvertures habituelles et qui nous montre déjà bien le type d’œuvre à laquelle on s’attaque tout en nous offrant des fragments du livre que l’héroïne a écrit. Je la trouve très esthétique et qu’elle se démarque vraiment des autres couvertures de mangas.

 

En conclusion, Saturn Return est une lecture difficile et affreusement bien construite. Elle déborde d’un réalisme choquant qui vous laissera coi et angoissé après votre lecture. Ce n’est pas une lecture à mettre entre toutes les mains, c’est sûr. C’est à la fois une œuvre qui dénonce la dépression et le suicide dans une société moderne, mais  qui montre aussi la difficulté du deuil, de se retrouver à nouveau face à son passé douloureux, et qui, j’espère, montrera également comment se sortir de ce mauvais pas. L’auteure maîtrise son scénario avec brio, nous disséminant des indices sans jamais trop en dire et elle a ce don de nous happer dans son histoire peu importe à quel point celle-ci est horrible à lire. C’est un titre adulte qui plaira à ceux qui aiment les scénarios chocs, qui dénoncent et qui malmènent leurs personnages. Si vous recherchez une histoire dure avec des personnages aux dessins réalistes, ce titre est fait pour vous.

Si vous souhaitez vous procurer les tomes sur notre site internet c’est par ici !

L.

2 commentaires

  • Kitano

    J’ai eu du mal à lire ce tome 1 malgré que je sois un habitué des mangas de Mme Torikai ; déjà graphiquement je trouve l’héroïne mal faite surtout comparé à d’autres de ses œuvres comme « en proie au silence » mais je trouve que cela s’améliore dans le tome 2.
    Ou alors mon ressenti est dû au fait que dans le tome 1, l’héroïne ne semble pas « humaine », elle est tellement fatiguée de la vie, elle ne semble pas être là, tout la fait chier, et elle s’en fout de tout ; alors que dans le tome 2 on en apprend plus sur elle, on commence à comprendre ce qu’elle a vécu. Bref, tant le tome 1 son comportement me tapait sur les nerfs, mais ça va mieux dans le tome 2.

    La lecture est assez dure, comme toujours dans les mangas d’Akane Torikai, on ne lit plus une œuvre de fiction, on lit la réalité, tout y est vrai : les comportements des personnages, leurs vécus, etc… C’est un manga qui décrit la dure réalité de la vie et qui aborde des thèmes durs.

    Niveau dessin, c’est vraiment très détaillé, les décors sont bien travaillés.
    C’est beau.

    • lepasseurlunaire

      Merci pour ce commentaire constructif, c’est encore une fois plaisant :).

      Pour le coup, j’ai préféré cette héroïne là par rapport à celle d’En proie au silence, c’est une affaire de goût x). Par contre, oui, elle est clairement détachée du reste. Content d’apprendre qu’elle soit approfondie, nous avons hâte de nous procurer le tome suivant.

      Les mangas d’Akane Torikai sont particuliers, l’émotion qu’elle transmet est forte mais ne nous pousse pas vraiment à « aimer » l’œuvre tant elle est difficile voire cruelle. Nous sommes entièrement d’accord sur ce point.

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