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Le Goût des Retrouvailles

Retrouvailles et 

réconciliation

Le Goût des Retrouvailles est un Josei de Nozo Itoi publié au Japon en trois volumes depuis 2016. Le troisième et dernier tome nous parvient aux éditions Akata en début 2022.

 

Rutsubo Aoi est une jeune fille de 9 ans enfermée dans le mutisme qui a perdu sa mère à la naissance et qui vit à présent avec sa tante et son oncle. Cependant, cette vie de famille n’est pas heureuse et elle arbore toujours un air détaché. Lors de l’été de son neuvième anniversaire, sa grand mère se voit hospitalisée et son oncle et sa tante en profitent pour la confier à Shima Iwashita, son père. Ceux-ci ne se sont jamais vu et doivent à présent apprendre à faire connaissance, non sans difficultés, la jeune fille ne lui pardonnant pas de l’avoir abandonnée.

 

Pour commencer, on peut dire que les premières pages du manga nous perturbent quelque peu, et c’est probablement l’un des seuls points qui m’a un peu dérangée durant ma lecture. En effet, on voit la petite Rutsubo sur le point de naître, qui ne veut pas voir le monde extérieur. Ce bébé semble déjà capable de pensées beaucoup trop constructives et surtout, de pensées noires. Cela m’a un peu perdue mais je pense que c’était pour bien préparer le lecteur au caractère de l’enfant et à son mutisme.

En effet, Rutsubo est une enfant de 9 ans qui ne parle pas, bien qu’elle a d’excellentes notes à l’école. Les médecins disent qu’elle n’a aucun problème et pourtant elle est déterminée à ne faire entendre sa voix à personne, promesse qu’elle s’est faite à la naissance. Rassurez-vous, vous allez pouvoir la lire, on suit sans cesse ses pensées et elle a un visage plutôt expressif malgré elle. C’est d’ailleurs dans ses moments d’émerveillement qu’on se rend compte qu’elle n’est qu’une petite fille de 9 ans, parce que pour le moment, je la trouve très mature pour son âge, et pour cause: Elle a perdu sa mère à sa naissance, son père l’a abandonné et elle a grandit chez un oncle et une tante tout sauf sympathiques. On peut dire que cela forge le caractère, c’est sûr.

Vous comprendrez de ce fait que l’histoire est loin d’être joyeuse au départ pour notre jeune enfant qui se voit soudainement confiée pour l’été à un père qu’elle ne connaît pas plus que ça, qu’elle n’aime pas à cause de ses erreurs passées, et qui est tout sauf le père idéal. C’est donc un manga qui va se centrer sur les retrouvailles et sur le travail de réconciliation qui va s’effectuer entre ce père et cette fille. On voit d’ailleurs déjà énormément de progrès dans ce premier tome. Si le père nous paraît être un Don Juan au premier abord, il met très vite fin à tout ça pour se concentrer sur sa fille, ou du moins essayer, car de nombreux obstacles vont faire que l’enfant va souvent passer plus de temps avec des gens du quartier qu’avec son père. On les voit cependant apprendre à se connaître petit à petit, à se retrouver, et surtout, on apprend nous-même à les connaître, que ce soit leur caractère, leurs souffrances, et la vérité sur le passé.

Tout au long du tome, on se rend compte que le père n’est peut être pas si indigne qu’il n’y paraît. On a tout de même encore beaucoup de mystères quant à lui et à sa manière d’être, ainsi que ses erreurs passées. Tout est cependant peu à peu dévoilé et je suis persuadée que le tome 2 nous réserve un bon gros lot de révélations surtout après cette fin de volume tonitruante. Le mystère est également présent en Rutsubo et son mutisme, on a du mal à se rendre compte de toutes les souffrances qu’elle a subi durant la grossesse pour en venir à ce mode de vie et j’espère qu’on en apprendra plus par la suite. La souffrance est un grand mystère, que ce soit pour le père comme pour la fille. Tout au long du tome on en apprend un peu plus sur la douleur qu’a pu ressentir le père et on se rend compte que c’est un personnage vraiment bienveillant qui cache un lourd fardeau, qui, peu à peu se dévoile à nous.

En tout cas, le thème de la famille a une connotation assez particulière dans ce titre, puisqu’il est bien loin du côté doucereux et chaleureux qu’on peut se faire. Ici, la famille est à la fois ce qui crée la souffrance chez Rutsubo, et quelque chose qui lui est précieux et qui alimente ses souvenirs. On sent qu’elle a eu une relation très précieuse et très dense avec sa mère, et que la perte de celle-ci l’a profondément marquée. La famille laisse un goût amer dans la bouche de Rutsubo par ce père qui l’a abandonné et qui pourtant la pousse à vivre, et on espère que toute cette souffrance se transformera en douceur par la suite.

La famille s’apparente également à un côté très sévère, que ce soit par la grand mère dont vous en apprendrez plus en lisant l’œuvre, que par la tante et l’oncle qui semblent reprocher beaucoup de choses à cette enfant qui n’a pourtant rien demandé. La famille se lie pour le moment énormément avec le mot “Problème” et ce n’est pas la fin du tome qui va nous dire le contraire.

 

Je te connais, moi…Je t’ai vu plus d’une fois, depuis là-bas…Tu es celui qui a laissé maman toute seule et qui m’a amenée de force dans ce monde…avant de me jeter comme une vieille chaussette.

– Rutsubo

 

Plus tôt je vous ai parlé de l’aspect retrouvailles, qui dit retrouvailles dit également nouvelles rencontres. Et Rutsubo va en faire énormément, son père étant plutôt connu dans les environs et la maison où il habite recevant pas mal de gens. Ces rencontres vont permettre à nos deux personnages de se retrouver, d’apprendre à se connaître avec moins de difficultés, mais en même temps d’aider Rutsubo à s’épanouir.

On pourrait parler notamment de Masahiro Shôji, un jeune homme de 19 ans qui squatte chez le père de Rutsubo. Il n’a nulle part ailleurs où aller à cause de Shima et profite bien de lui. C’est un gars joyeux, qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui aide à détendre l’atmosphère dans la maison. Devant lui Rutsubo ose de plus en plus montrer ses sentiments et notamment son mécontentement, celui-ci aimant bien taquiner. Il pourrait presque s’apparenter à un grand frère pour elle.

Mais j’aimerais surtout m’attarder sur Himeko, l’amie d’enfance de Shima. C’est la présence féminine qui a un vrai impact sur Rutsubo. C’est à elle qu’elle ose s’ouvrir réellement pour la première fois et qui pourrait lui faire office d’amie, mais aussi de mère de substitution, bien qu’elle ne le veuille pas vraiment. Elle est une femme enjouée, qui ne se laisse pas marcher dessus et qui prend soin de l’enfant. Elle est aimante et souhaite uniquement le bonheur de Rutsubo et de Shima à qui elle doit beaucoup. J’espère qu’elle continuera de soutenir Rutsubo et de l’aider à s’épanouir.

Le développement des relations est le point clé de ce manga, que ce soit les relations que se fait Rutsubo, que celles qui progressent autour d’elle. Elles pourront avoir un impact négatif ou positif sur elle, et je pense que le négatif arrivera surtout dans le prochain tome. La jeune fille est loin de pouvoir s’épanouir simplement durant l’été de ses neuf ans, bien que des progrès ont été faits mais j’espère qu’elle saura pardonner à son père et c’est déjà un peu le cas puisqu’elle commence à penser à l’appeler “papa”. J’espère néanmoins que la tempête à venir lors du second tome ne l’empêchera pas de s’ouvrir à lui, Rutsubo est une enfant mature et pourtant adorable, qui mérite d’être protégée et d’apprendre à vivre heureuse et épanouie.

Les chara-designs des personnages ont un style bien à eux, un peu rond au premier abord, déconcertants quand on ne connaît pas, et pourtant, on finit par s’y habituer et par apprécier le trait de l’auteur. Cela change des chara-designs classiques et ce n’est pas pour me déplaire. Les tenues sont également plutôt variées ce qui est plutôt agréable à observer.

Malheureusement on a très peu de décors durant notre lecture et quand il y en a, ils sont assez simples, et en même temps, on peut se dire que c’est pour que le lecteur se concentre vraiment sur les personnages, l’auteur centrant vraiment l’histoire sur les relations familiales et le ressenti qu’ils peuvent avoir. Ressenti d’ailleurs très bien développé grâce à des visages expressifs plaisants à voir.

Pour ce qui est de l’édition française, je trouve dommage que la maison d’édition n’ait pas réussi à garder le jeu de mot avec le titre japonais et le polvorón qui semble pourtant avoir une place importante dans l’histoire au vue de la préface. Sinon, le tome est surprenamment petit en main je trouve et j’aurai peut être voulu un format un peu plus grand au vu des cases et des planches assez resserrées par moment.

En ce qui concerne la couverture, elle est très détaillée et attire bien l’œil, même si j’ai une légère déception: Celle que l’endroit montré ne soit pas réellement le lieu du manga, ça avait l’air pourtant si beau. Malheureusement l’histoire se déroule bien au Japon et le lieu de la couverture n’est qu’une reproduction d’un endroit que l’auteur à visité en Espagne. Mis à part ça on retrouve les personnages importants sur la couverture et les couleurs pastels ainsi que le décor assez crayonné rend le tout agréable à voir, d’autant que Rutsubo est trop mignonne dessus.

 

En conclusion, Le Goût des Retrouvailles conviendra à tous ceux qui recherchent un récit plus adulte, mêlant les souffrances d’une famille aux retrouvailles imprévues et à l’épanouissement d’une enfant qui a déjà trop souffert pour son âge. Le côté retrouvailles et famille déchirée ne sera d’ailleurs pas sans vous rappeler Autour d’Elles si vous l’avez lu. Le Goût des retrouvailles aborde tout aussi justement la souffrance de l’abandon et de la perte d’un être cher à travers le mutisme d’une enfant au caractère bien trempé et aux précieux et douloureux souvenirs marqués dans sa mémoire. C’est également un manga empli de mystères sur cette famille au passé douloureux et caché, qui ne se dévoile que par bribes et tout au long du manga. C’est un titre qui nous donne l’espoir d’une réconciliation entre les membres de cette famille, et on veut que tout se termine bien et que Rutsubo se sente mieux. Malgré un début déconcertant, cette œuvre a su m’entraîner dans son histoire pleine de charme et de révélations et je pense qu’elle saura vous emporter vous aussi.

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L.

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