L’École emportée
Quand l’Horreur
et la Science
fiction se mêlent
à l’Apocalyptique
/!\ Titre comportant de la violence /!\
L’École emportée est un Seinen de Kazuo Umezu, sorti initialement en 1972 au Japon et en 2004 en France, terminé en 6 tomes. Les éditions Glénat nous font le plaisir de nous proposer l’édition originale en Juillet 2021.
L’école Yamato disparaît brutalement avec tous ses occupants. Des élèves de primaire, de maternelle, ainsi que leurs professeurs se retrouvent alors projetés dans un monde désertique mystérieux où aucune vie ne semble présente. La folie prend alors possession de certains d’entre eux, et ce sont des enfants démunis, qui doivent à présent survivre par eux même à ce nouveau monde et aux coups de folie qui touchent toute l’école, aussi bien adultes qu’enfants. En parallèle se met en place le combat d’une mère qui souhaite retrouver son enfant plus que tout.
Tout d’abord, on peut dire que l’histoire de L’École emportée est plutôt ancienne, et nombre des lecteurs seront certainement décontenancés par la manière dont les choses sont racontées.
On peut remarquer par exemple que tout est raconté de façon vraiment romancée, à la manière d’un témoignage de la part de Shô, qui raconte à sa mère ce qui se passe et ce qu’il pense de tout ce qui se déroule sous ses yeux, un peu à la manière dont était écrites les lettres et témoignages de soldats durant la guerre.
Ma petite maman…Quand je repense à cet instant de ma vie où tout a si soudainement basculé, à tous les événements qui ont suivi…Je ne saurais comment l’exprimer mais j’ai le sentiment qu’un sens plus profond se cache en toute chose
– Shô
Mais il ne s’agit pas du seul point de l’histoire qui nous prouve et nous fait ressentir que ce manga est ancien et est écrit par une personne qui a connu la période de l’après-guerre. On a une histoire très complexe à suivre, notamment pour ceux qui ne sont pas familiers du travail de Kazuo Umezu. Tout est plutôt cauchemardesque, très mystérieux et on ne sait pas trop où tout cela va nous mener. Pour les petits nouveaux, je vous rassure, vous aurez une fin complète, même si le chemin pour y parvenir est très difficile, remplis d’obstacles parfois maladroits.
Il se passe en effet énormément de choses rien que dans un tome, ceux-ci étant plutôt denses et le style de l’auteur très resserré. Également, Kazuo Umezu nous propose énormément de rebondissements complexes qui mènent souvent à des dénouements tirés par les cheveux ou incompréhensibles. En tout cas, à aucun moment il ne nous laisse respirer puisque dès que les choses semblent se calmer un peu, un nouvel événement mettant la vie des enfants en péril surgit et fait prendre un tout nouvel angle à l’histoire.
La complexité de l’histoire ne va faire que de s’étoffer au fil des tomes, d’autant que celle-ci se déroule sur deux plans, l’école et le monde présent où la mère de Shô tente tout ce qui est en son pouvoir pour retrouver son enfant. Si au début le passage de l’un à l’autre ne se fait que rarement, par la suite cela va s’accentuer et s’accélérer, nous rendant parfois un peu plus confus.
Pour revenir sur le côté vieilli de l’œuvre, on pourrait dire que cela se voit à la réaction des personnages.
On a une violence exagérée très présente déjà dans le premier tome avec la réaction des personnages, les suicides mais aussi la folie qui s’empare des adultes et la violence gratuite et exagérée dont ils sont capables. C’est un point qui, de nos jours, ferait certainement polémique, mais qui surtout nous rend très mal à l’aise.
On a également des enfants, qu’on nous présente au début comme ils sont, de jeunes enfants qui font des bêtises et appellent leur maman quand quelque chose va mal. Mais une fois qu’ils se retrouvent dans une situation délicate, cela change du tout au tout et l’auteur les rend débrouillards, presque comme de jeunes adultes. Je ne sais pas si c’était dans le but de moins choquer le lecteur, ou parce qu’il avait besoin de figures fortes pour son manga, ou encore si c’est parce que les enfants des années 70-80 étaient peut-être plus débrouillards que nous. Quoi qu’il nous est dit dans l’essai de Kawamoto Saburô que son œuvre serait la matérialisation de ses cauchemars et peurs infantiles racontés de son œil adulte.
Kazuo Umezu est certainement terrifié par la fin du monde de la même manière que pourrait l’être un enfant. C’est à partir de là que son “imaginaire cauchemardesque” prend toute sa substance
– Kawamoto Saburô
Plus qu’un titre vieilli, on peut donc dire qu’il s’agit d’un titre complexe avec une multitude d’interprétations sur les peurs infantiles.
Pour continuer, j’aimerais m’attarder un peu sur les personnages, et notamment sur la folie, la figure de la mère et le personnage de Shô.
La folie est un trait caractéristique du genre de l’horreur, mais surtout un aspect qui s’empare très tôt de nos personnages. Elle crée des mouvements de panique qui font des blessés, des suicides parfois totalement incompréhensibles et soudain, ou encore des comportements violents et des tueries de masse pour la survie. On pourrait dire que la folie est un personnage à part entière de l’histoire, comme une menace qui plane sur nos personnages et qui manque de les assaillir à tout moment. Rien que dans le premier tome, celle-ci est déjà omniprésente, et pourtant les choses ne font que commencer. La peur mène à la folie et donc au cauchemar.
On peut également plus précisément parler du personnage de Shô, qui est probablement celui qui garde le plus la tête sur les épaules pour le moment. Il nous est présenté au début comme un jeune garçon insupportable, qui fait des caprices et mène la vie dure à sa mère. Mais il prend très vite le rôle de leader, donnant des directives pour s’en sortir, mais également celui de père et de frère pour les plus jeunes et notamment pour Yuu. C’est un personnage qui continuera de mûrir et de progresser et qui ressortira de tout ça bien plus mature qu’avant, c’est certain.
Enfin, la figure de la mère est très forte et présente dans l’œuvre. Lorsque l’enfant a peur, il appelle sa mère, et c’est très souvent le cas rien que dans le premier tome. Cette figure de la mère est aussi très représentée par la mère de Shô qui est montrée comme une mère combative, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds mais qui veut à tout prix faire plaisir et prendre soin de son enfant. On a également le personnage de Sasa, jeune fille de la classe de Shô certainement amoureuse de lui qui, comme lui prend le rôle du père, prendra inconsciemment ou consciemment le rôle de la mère pour soulager un peu les plus jeunes. Cette figure de la mère sera encore bien importante pour la suite de l’histoire et il sera intéressant de la voir évoluer dans les prochains tomes.
Enfin, attardons nous un peu sur les dessins et le style de l’auteur. Celui-ci est très encré, les planches sont vraiment très denses et ont un format plutôt resserré, présentant beaucoup de petites cases et parfois soudainement de plus grandes très détaillées et très noires. Le côté noirci joue beaucoup sur l’impression de malaise et sur la peur, et crée également des planches très contrastées et aussi bien magnifiques que horrifiques à observer.
Mais le style de l’auteur a également très mal vieilli. Alors qu’on devrait ressentir de l’horreur, on est parfois amusé par les têtes des personnages et on a l’impression que les positions de ceux-ci sont très rigides et qu’elles manquent d’amplitude et de réalisme. On peut donc dire que le chara design et le travail sur les personnages ont vieilli, à contrario des décors et paysages qui nous impressionnent par leurs contrastes et leurs détails qui parviennent à nous mettre dans une ambiance sombre et inquiétante.
En conclusion, on peut dire que Kazuo Umezu est un auteur trop méconnu chez nous, qui nous propose un scénario complexe, parfois tiré par les cheveux mais aux milles interprétations. L’École emportée est un titre qui vous plongera pleinement dans un cauchemar, et dont vous ne pourrez vous en réveiller qu’après l’avoir terminé, parfois confus, mais qui vous malmène et vous emporte malgré tout. De plus, si vous aimez le travail de Junji Ito et ne connaissez pas Kazuo Umezu, sachez que Umezu a inspiré Junji Ito alors laissez-lui une chance. C’est un titre ancien mais qui fait preuve de beaucoup de créativité et qui est vraiment intéressant à lire, que j’ai connu plus jeune et que je redécouvre à chaque fois avec plaisir, bien que certains points aient un peu vieillis.
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L.
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