Boy’s Abyss
Poisson solitaire
cherche à fuir son
bocal en passant
par les abysses
Boy’s Abyss est un Seinen de Minenami Ryo. Publié au Japon depuis 2019, il comporte actuellement 10 volumes toujours en cours.
En France, ce titre atterrit chez les éditions Kana dont le premier tome est paru en ce milieu de Novembre 2022.
/!\ Dépression bonjour, si vous y êtes sensibles, je vous conseille d’aller lire une autre critique /!\
Kurose Reiji vit dans une petite ville du Japon. Si le rêve de son amie d’enfance Chako est de la quitter pour rejoindre Tokyo, lui est enchaîné ici et n’a aucun espoir de la quitter un jour autrement qu’en y mourant. Le jour où il tombe par hasard sur une idole cachée, il plonge plus profondément dans les abysses afin d’y trouver le repos éternel…
Boy’s Abyss est un seinen psychologique qui n’est vraiment pas agréable à lire dans le sens où il est douloureux comme Les Fleurs du Mal. On y voit la noirceur dans le cœur des gens et principalement dans celui des jeunes et c’est vraiment pas évident à lire. Le disclaimer au début n’est pas là pour rien !
Cependant, c’est aussi parce qu’il est aussi difficile à lire qu’il est si prenant et si bon. C’est très la dépression, oui, mais on se retrouve nous-même pris dans ces abysses que l’on rejoint de gré ou de force.
Ce n’est donc pas un titre à mettre entre toutes les mains mais c’est un manga plutôt poétique en un sens, et tranchant de l’autre.
S’il y a bien une chose que l’auteure met en avant, c’est la psychologie des personnages.
C’est un point fondamental qui est d’ailleurs celui qui fait office de liaison entre Boy’s Abyss et Les Fleurs du Mal.
En effet, Minenami Ryo joue beaucoup là-dessus, en mettant aussi bien en avant leurs réflexions, leurs actions, que leurs silences. Lorsque l’on parle de la psychologie d’un personnage, on parle d’un élément extrêmement personnel. Dans le cas de Reiji, le protagoniste de cette histoire, il n’a malheureusement pas grand chose de positif dans son quotidien, sa seule “lumière” est Chako qui représente en fin de compte qu’une petite lueur dans des obscurités sans tailles. Petite lueur très importante ceci dit car c’est bien la seule. On peut donc dire qu’il broie du noir, et ce n’est pas sans raison. Il y a un véritable mal-être et un sentiment de ne pas être à la bonne place qui le ronge et le détruit malgré son jeune âge.
Pour extrapoler rapidement, c’est un problème de société assez important, les suicides en Asie notamment ont fait pas mal parlé d’eux de par leur nombre. Ils peuvent aussi bien venir de problèmes purement personnels, ou bien à cause d’une pression sociale trop importante. Dans le cas de Reiji, c’est en soi un peu des deux.
Si sa scolarité se passe sans réelle encombre, en dehors, sa vie est semée d’embûches. Sa famille, n’est pas d’un grand soutien, bien au contraire, entre son frère capricieux qui perd tout intérêt dès que quelque chose dépasse le bout de son nez, sa grand-mère qui vit avec eux et qui n’a à priori plus toute sa tête ne l’aurait jamais aimé et puis sa mère, absolument débordée par les événements qui finit par s’appuyer sur son fils, Reiji pour qu’il porte le fardeau avec elle.
Sauf que le fardeau se fait de plus en plus lourd sur lui et qu’il n’a déjà plus rien, si bien même que son avenir lui semble être volé par sa propre famille. Et même lorsqu’il quitte la maison, ses problèmes ne s’arrêtent pas pour autant, son “ami d’enfance” Minegushi Gen n’est pas là pour le relever, loin de là. Il lui sert littéralement de larbin à son grand désarroi.
“Franchement… tu crois qu’il faut avoir fait quoi dans une vie précédente pour renaître sous les traits de Nagi Aoe ? J’étais quelqu’un de mauvais moi. C’est sûr et certain. Je suis née dans un bled paumé… Je suis grosse, petite, moche, poilue et myope comme une taupe… J’étais forcément un monstre, dans une vie antérieure ! Peut-être le type qui a tué 30 personnes à Tsuyama avant la guerre, si ça se trouve !”
– Chako
Il rentre finalement dans un cercle vicieux où rien de bien ne lui arrive et rien de bien ne peut lui arriver. Il ne peut pas briser le cycle, c’est impossible, c’est ce qu’il se dit, se voyant déjà ne jamais avoir le contrôle de sa vie. La seule chose qui pourrait peut-être l’aider en plus de Chako, ce serait finalement la musique, un peu comme ce nouveau groupe d’idol “Acrylic”…
C’est alors que la rencontre avec une idole cachée change la donne, enfin pas tout à fait… Si cette idole se cache, ce n’est pas pour rien, elle a aussi des soucis bien qu’elle reste très discrète sur ces derniers. Elle fait partie des fameux “silences” dont j’ai parlé plus haut. Cependant, étant une idole, on peut penser que c’est lié à sa carrière car à plusieurs reprises il est question chez elle d’une grande solitude. Par ailleurs, certains moyens détournés plutôt poétiques servent à en parler.
En tout cas, elle aussi voit tout en noir et créer un parallèle essentiel, celui qui relie leurs histoires à celle d’un roman fictif nommé Un cercueil printanier. Alors bon, je vais pas m’étaler sur le roman, le but n’est pas non plus de vous décrire toute l’histoire ! Ceci dit, c’est un élément vraiment plaisant qu’a ajouté Minenami Ryo et qui donne une plus value originale à son manga.
Avec ce que je vous ai dit, on pourrait s’attendre à une atmosphère très noire, très sombre, et c’est en grande partie le cas ! Mais pas que. Le ton de l’œuvre se veut régulièrement plutôt doux, les personnages dont l’esprit est torturé se retrouvent parfois à parler de manière calme et détachée. L’ambiance générale du manga est comme un fleuve où il va y avoir des moments plats, légers, puis parfois des torrents où l’on ne peut rien faire d’autre que de se laisser emporter, c’est changeant et parfois imprévisible. On est un peu jeté dans tous les sens, les rares moments joyeux ne durent jamais et une tristesse quasi permanente règne sur les planches. Un peu comme un poisson qui, l’espace d’une seconde, croit qu’il a trouvé un nouvel endroit avant de se rappeler que c’est exactement le même, et que rien n’a changé en fin de compte.
Kurose Reiji est un bon garçon, il ne veut pas blesser les autres et préfère prendre sur lui, bien qu’il arrive désormais à sa limite. Nous avons rapidement de la peine pour lui, il travaille bien à l’école, il est serviable et possède finalement un bon esprit de japonais typique. Malheureusement il se fait écraser par le poids de la société, de la famille, et se retrouve dépassé. Il finit par avoir la vue trouble et ne plus voir les choses de la même manière.
Il en est certainement de même avec Nagi Aoe, qui s’est potentiellement lancée dans une carrière d’idole en pensant y réaliser un rêve qui se transforme finalement en cauchemar qu’elle ne supporte plus. Un peu de mauvais choix et de problèmes qui l’entrainent illico au fond des abysses. Alors lorsqu’elle rencontre Reiji, elle se dit certainement qu’être dans le même bateau qu’une autre personne la soulagera au moins un peu…
Puis vient Chako, Elle est pour le moment à part car aux premiers abords, à part le fait qu’elle préférerait habiter Tokyo que la campagne, ça à l’air de bien se passer, surtout qu’elle est très intelligente. On approfondit pas trop le personnage dans le premier tome mais clairement je pense que son récit n’est pas tout rose non plus !
Pour ce qui est des dessins, ce n’est pas rose non plus ! Plutôt bleu, et plus particulièrement des tons froids, enfin c’est ce qu’on ressent à travers les pages noires et blanches de l’œuvre. Un peu comme sur les couvertures. C’est un sentiment assez particulier mais très réussi, c’est une véritable plongée sous-marine !
Par ailleurs, j’aime beaucoup les chara-designs, il est facile de comprendre le rôle de chacun, qui est “bon” et qui est “mauvais”.
En termes de décors, ça dépend des planches mais il y en a régulièrement, ce qui est le plus important, c’est l’effort de mise en scène. Certaines planches sont absolument sublimes et bouleversantes !
En conclusion, Boy’s Abyss est une excellente œuvre traitant de psychologie et de pression sociale. La maison d’édition Kana le compare notamment à Inio Asano et à Bonne nuit Punpun par exemple. De mon côté, en plus de ce dernier et des Fleurs du Mal, j’y ajouterais Scum’s Wish. Le côté amour destructeur, relations toxiques et ce genre de thèmes, ça rentre parfaitement en compte.
C’est donc un titre que j’apprécie, que je compte suivre même s’il fait mal à mon petit cœur. Je ne sais pas, j’ai un bon feeling avec ce manga, il m’avait intéressé dès son annonce, et ma lecture n’a fait que confirmer ça !
Si vous appréciez certains des mangas cités ou que de manière générale vous appréciez les histoires plus sérieuses, dramatiques, avec des thématiques matures, alors franchement pourquoi pas, du moment que le thème du suicide ne vous pose pas de problèmes pour le lire. En tout cas, si ce genre de seinen vous intéresse, vous allez aimer Boy’s Abyss c’est certain !
Si vous souhaitez vous procurer les tomes sur notre site internet c’est par ici !
H.
2 commentaires
Kitano
Ce manga est dans ma liste de souhait.
Je repassera ici une fois que je l’aurai dévoré.
lepasseurlunaire
À très vite ! ^^