Fool Night
La dystopie
d’un monde
sans soleil
Fool Night est un Seinen de Yasuda Kasumi, publié au Japon depuis 2020 où il comporte trois volumes en cours. En France, les éditions Glénat s’emparent de cette licence admirée par Sui Ishida (Tokyo Ghoul) et Shuzo Oshimi (Liens du Sang). Le premier tome nous arrive en Mai 2022.
Cela fait cent ans qu’un épais nuage empêche le soleil d’éclairer la terre. Les plantes ne peuvent plus pousser, l’oxygène se fait rare, mais les Hommes ont trouvé une solution: La Transfloraison. Chaque être humain mourant peut obtenir le droit de se faire greffer une graine qui au bout de deux ans le transformera en un mélange d’homme et de plante. Criblé de dettes et dans une situation financière et familiale difficile, Kamiya Toshiro décide de s’empoisonner afin d’obtenir la permission d’être transfloré et de gagner les 10 millions de yens offerts pour ce sacrifice. Suite à cela, il se découvre la possibilité de comprendre ce que disent les plantes et est embauché pour retrouver les défunts de familles qui ont eu recours à la transfloraison.
Pour commencer, Fool Night est clairement la représentation d’une dystopie dans toute sa splendeur. Le monde va mal, les plantes se font rares et il y a même une taxe sur l’oxygène. On peut supposer et même déjà remarquer dans ce premier tome que la pauvreté y est bien ancrée, de même que la propagande disant qu’être transformé en plante est une fin utile pour les autres et que cela vous permet de terminer votre vie dans le bonheur, sans le manque de quoi que ce soit.
Fool Night c’est donc un titre qui dénonce une société cruelle, un appauvrissement constant, et la difficulté que peuvent avoir les gens à joindre les deux bouts. On est sans cesse confronté au manque d’argent de notre héros et on comprend que le suicide était pour lui le seul moyen de mettre fin à tout ça. Mais le suicide prend ici une dimmension bien différente. Au lieu d’être blâmée, si une personne vient empoisonnée, mourante, et qu’elle se l’est fait elle-même, elle semble tout de même pouvoir se faire Transflorer et toucher les dix millions de Yens. Dans le fond, ces Transfloraisons abusives servent bien l’État et les riches qui peuvent profiter de plus de plantes et de bois.
On a encore à faire à une dystopie où les riches sont gagnants et où les pauvres se sacrifient pour leur survie ou pour permettre aux leurs de mieux s’en sortir. Par exemple un père peut recourir au suicide pour que son enfant touche l’argent de la Transfloraison aille dans une bonne école afin de devenir un fonctionnaire ou haut fonctionnaire, ces postes étant bien mieux payés que la classe ouvrière. C’est un monde où on offre une possibilité aux pauvres de s’enrichir, mais avec des sacrifices difficiles en contrepartie. Cela nous laisse dans une ambiance bien sombre, déprimante, d’autant qu’on voit des humains transformés en plantes partout dans l’œuvre et qu’ils ont des airs de zombies ou de monstres de mangas d’horreur.
C’est horrible à regarder, de ce dire que la propagande a si bien fonctionné, a tant marqué les esprits que même pour des enfants c’est devenu normal de voir ces plantes humaines. Néanmoins, la douleur de perdre un être cher reste bien là heureusement ou malheureusement, et plusieurs personnes recherchent leurs défunts pour les revoir une dernière fois ou se recueillir auprès d’eux.
Vous l’aurez compris, Fool Night est un titre par moment difficile à lire, douloureux, mais ce n’est pas qu’une histoire dystopique tragique. On y développe peu à peu un aspect enquête avec le personnage Kamiya Toshiro et sa capacité à comprendre les plantes. On se retrouve alors régulièrement dans une phase de recherche pour un client, et il est intéressant de voir Toshiro se développer, progresser et peu à peu s’attacher aux clients en apprenant leur passé et la raison pour laquelle ils veulent retrouver leur proche, alors qu’il les détestait auparavant,
En effet, dans Fool Night on a régulièrement des instants flashbacks, souvent durs à voir, parfois émouvants, qui montrent des vies passées et finies, et qui nous font nous attacher aux personnages. On va probablement découvrir encore plus de clients par la suite, mais je pense qu’on va parvenir à s’attacher à chacun d’entre eux, à se souvenir d’eux et l’émotion en sera toujours plus forte.
Enfin, c’est un titre plein de mystère. On se pose énormément de questions et je ne sais pas si on aura des réponses un jour. Difficile de savoir où cette histoire veut nous mener, en plus d’être très originale, elle est plutôt imprévisible, Toshiro évoluant constamment rien que dans ce premier tome. On s’interroge donc sur les capacités de notre personnage principal, sur la graine qui lui a été implantée, sur la raison de la présence de ce nuage qui cache le soleil, sur cette société dystopique et comment tout ceci a été mis en place. Une multitude de questions dont peu auront de réponses je pense, mais qui nous tiennent en haleine et nous poussent à continuer toujours plus notre lecture, car Fool Night est un titre prenant, intriguant, passionnant, et qui possède un style si particulier mais pas désagréable pour autant.
Seule ta conscience subsistera. Tu ne pourras pas bouger d’un pas. Et si ça se trouve, tu souffriras tout autant! Tu vas juste servir de terreau pour qu’une plante se développe! On ne comprendra même pas ce que tu racontes!
– Yomiko
On croise plusieurs personnages dans ce premier volume, mais on en entrevoit surtout beaucoup. Les deux seuls dont je peux réellement parler sont Kamiya Toshiro et Yomiko, son amie d’enfance.
Kamiya Toshiro nous est d’abord présenté comme un enfant joyeux, candide, et étonnamment heureux dans cette dystopie. Il était malheureusement trop pur pour ce monde cruel, et on le lui a bien fait comprendre. Dans le présent, c’est un adulte aigri, qui hait les riches et se plaint de sa condition plus que difficile. Même en travaillant à en tomber malade, il peine à joindre les deux bouts. Si sa transformation semblait pour lui la seule solution, il se rend compte qu’elle l’aide à se sortir de sa situation difficile, lui offrant l’accès à un travail au salaire stable et bien supérieur à celui d’ouvrier. Malheureusement il sait que ses jours sont comptés et on l’entrevoit déjà en train de s’inquiéter de l’évolution de la graine en lui. On peut supposer que son caractère va encore bien progresser et je suis curieuse de savoir comment il va être à la fin de sa transfloraison.
Yomiko quant à elle était l’inverse de Kamiya. C’était une enfant renfrognée, qui avait du mal à lâcher prise, et elle a fini par obtenir un métier stable au sein même d’une société qui s’occupe des transfloraisons. Si elle semble par moment ressentir de la peine et de l’incompréhension pour les envies de changement des personnes, elle est plus épanouie grâce à l’argent et à la possibilité de manger ce qu’elle veut. Mais est-elle réellement épanouie dans son travail? En tout cas, elle semble beaucoup moins aigrie que lorsqu’elle était enfant et je me demande comment sa relation avec Kamiya va évoluer.
Le style de l’auteur peut en décontenancer plus d’un par ses personnages aux formes de visage parfois pas très bien détaillées et aux expressions pourtant bien prenantes. Il a un trait très crayonné, hachuré et encre énormément ses planches, les rendant aussi sombres que son histoire dystopique. Mais il est aussi capable de détailler et de créer des scènes magnifiques et effrayantes à observer à la fois. Son dessin est au fond plutôt agréable à contempler et les décors sont bien présents. Son jeu d’ombre et de lumière nous plongent clairement dans l’œuvre et est vraiment intéressant à découvrir. Si vous aimez les dessins atypiques qui vous plongent dans l’ambiance, ce titre est clairement fait pour vous.
En conclusion, Fool Night est un manga qui représente une dystopie bien cruelle, où le pauvre peut s’élever s’il se sacrifie. C’est un manga où le sacrifice des mourants permet aux vivants de survivre dans ce monde sans soleil. On est happé dans une société bien sombre qui fait beaucoup de victimes et Kamiya en est l’une d’eux. Si l’histoire est difficile à lire par son atmosphère pesante, elle n’en est pas moins passionnante par tous les mystères qui y planent et par son aspect enquête qui nous emporte dans des flashbacks poignants. Fool Night est un titre original et riche qui propose un dessin atypique mais pas moins magnifique et qui colle totalement à l’ambiance du manga. Il est créé par un jeune auteur qui attire l’œil de grands mangakas et est totalement imprévisible. Si vous aimez les titres sombres, dystopiques, fantastiques avec un style atypique et aux personnages attachants, ce titre pourrait vous plaire.
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L.
2 commentaires
Kitano
Bonjour,
Je viens de lire ce tome 1, c’est quand même assez sombre, vire glauque ; l’avenir semble bien pourri dans ce monde (accès aux soins impossibles pour les pauvres, métiers pénibles et mal payés, les femmes seules n’ont que peu de chance, pauvreté, manque de nourriture) ; sans oublier que les adultes ont l’air des gros ****, quant on voit la mère du héros, le père de la pianiste etc…
Les dessins sont assez particuliers quand même, mais j’ai pu me plonger facilement dans l’histoire.
A suivre avec le tome 2, car j’espère que ça ne sera pas que des histoires à la « mushishi », où le héros rempli une mission florale et on passe à la suivante.
lepasseurlunaire
Bonjour ! Encore merci pour ce nouveau commentaire constructif!
Au sujet de ton inquiètude pour le côté « Mushishi », je pense que ça devrait aller et que l’auteur gardera un rythme plus soutenu pour son histoire. Seul l’avenir nous le dira !